Il est fréquent que Fabrice Hybert active un processus, met en place des dispositifs qui se diffusent, se prolongent, s'infiltrent dans la trame des contextes. Il avait déjà en ce lieu, au cours de Segona Estacio, proposé l'expérience à la population et aux artistes de réactiver le jeu Push Corner, dont l'existence s'amorce à partir d'une forme, un ballon carré et se pratique à travers un dispositif ainsi qu'une règle du jeu.

Pour Signaletique, le processus s'effectuait en trois phases. Le recueil des données au cours de longues déambulations dans les rues de Benifaillet permettait à Hybert d'intégrer à la fois le contexte historique et topographique, climatique et esthétique de chaque rue. Puis, après l'élaboration des peintures réalisées sur chacune des plaques, l'œuvre-puzzle se diffractait pour intégrer son milieu. Cette opération nécessitait différentes adaptations, car un élément exogène ne peut intégrer la matière vivante sans de multiples mutations des deux corps. Assistée des étudiants des Beaux-Arts de Dunkerque et de l'Ecole Camondo, l'équipe municipale du village entrepris d'accrocher les nouvelles plaques aux murs des façades. La dimension participative de l'œuvre de s'arrêtait pas à une pratique manuelle mais ouvrait sur une démarche à la fois archéologique, diplomatique et citoyenne. Pour chaque rue le geste impliquait de consulter la population, les habitants , le facteur, l'instituteur, le maire… afin de déterminer non seulement la juste configuration des rues mais aussi de maîtriser ce processus de requalification de l'histoire du lieu. Les plaques portant un nom, elle véhiculent une identité liée à l'histoire particulièrement sensible des conflits qui restent dans ce lieu inscrits de manière latente.

Il se trouve que sur un siècle, les plaques ont été changées trois fois. Franco avaient déjà substitué les noms choisis au fil de l'histoire par les figures de son régime fasciste. Et c'est par-dessus ces mêmes plaques que la république reconquise apposa les signes de sa nouvelle identité démocratique. C'est donc un processus d'archéologie politique que l'œuvre de Fabrice Hybert est venu activer par une forme de puzzle dont la diffraction affirme pourtant sont caractère réifiée.

Signe des temps où les nouveaux enjeux de l'économie locale souhaitent se tourner vers le tourisme, les plaques sont présentées dans les dépliants comme un parcours de visite qui a néanmoins la qualité de présenter le principe inverse d'une histoire univoque ou d'un parcours déterminé.

Sébastien Pluot